Crise financière : le plan Paulson en difficulté
Par Marc Vignaud (avec agence)
Le secrétaire d'État américain au Trésor Henri Paulson (au premier plan) et le président de la Réserve fédérale américaine Ben Bernanke peinent à convaincre le Congrès d'adopter leur plan de sauvetage du secteur financier américain @ Nicholas KAMM/AFP PHOTO
Imprimez Réagissez Classez De la gauche démocrate aux républicains les plus conservateurs, au Sénat comme à la Chambre des représentants, "personne n'est heureux" aux États-Unis d'avoir à voter le texte présenté par le secrétaire au Trésor Henry Paulson. C'est du moins ce qu'estime, mardi, le leader de la majorité démocrate à la Chambre, Steny Hoyer. Le président américain George W. Bush admet d'ailleurs que le plan de sauvetage du système bancaire provoque des débats houleux au Congrès américain. "Notre processus législatif est fait de négociations, il y a un grand débat. Mais je suis confiant dans le fait que, quand tout aura été dit, il y aura un plan solide. Il doit y en avoir un", veut croire le président américain.
Annoncé en fin de semaine dernière, le plan prévoit de consacrer jusqu'à 700 milliards de dollars d'argent public pour racheter les actifs invendables accumulés par les banques pendant la dernière "bulle" immobilière. Le temps presse. Après l'euphorie suscitée par l'annonce du plan de reprise des titres invendables des banques américaines, les Bourses sont redevenues plus craintives. Les institutions financières américaines ne sont pas à l'abri d'une nouvelle faillite.
Alors, pour convaincre un Congrès à majorité démocrate, G. W. Bush envisagerait de s'adresser directement aux Américains pour défendre le plan de sauvetage. Exhortant le Congrès à agir vite, l'administration républicaine assure mardi avoir ce plan de sauvetage depuis "des mois" dans ses tiroirs. "Ce n'est pas un plan qui a été conçu ou monté à la hâte. Il y a eu une énorme somme d'analyses, de débats et de discussions avant que nous ne (le) présentions", tente de convaincre la Maison-Blanche.
Henri Paulson et le président de la Réserve fédérale Ben Bernanke, de leur côté, défendent de nouveau le plan mercredi devant le Congrès. Mardi devant une commission du Sénat, les deux hommes ont déjà insisté sur la gravité de la situation pour demander que leur plan soit voté avant la fin de la session parlementaire prévue vendredi. Mais après leurs interventions, l'influent sénateur démocrate Chris Dodd, président de la commission bancaire du Sénat, a tranché. Le plan n'est "pas acceptable" en l'état, assène-t-il.
Trois conditions posées par les démocrates
Un autre membre influent de la majorité démocrate au Sénat américain, Chuck Schumer, président de la Commission économique conjointe du Sénat et de la Chambre, propose que le Congrès accepte le plan de sauvetage des banques présenté par le Trésor à condition d'y aller "par étapes" plutôt que d'allouer d'un seul coup 700 milliards de dollars : "S'ils ont besoin de 50 milliards de dollars par mois, allons-y pour trois mois, et après qu'on s'y remette et qu'on regarde comment ça marche." Tel qu'il a été présenté, le plan du ministre du Trésor Henry Paulson "est fondamentalement une demande de chèque en blanc", considère-t-il.
Chuck Schumer rappelle les trois conditions que posent les démocrates pour accepter ce projet : que les contribuables ne règlent pas seuls la facture, que des mesures soient prises en faveur des accédants à la propriété et qu'un organisme de contrôle soit mis sur pied pour surveiller l'activité du Trésor. Il propose ainsi la création d'une agence fédérale à laquelle adhéreraient "toutes les sociétés de services financiers". Celles-ci, a-t-il dit "paieraient une commission chaque mois, ce qui contribuerait à assurer le financement de ce plan. Ça ne paierait pas tout, évidemment, mais [...] les contribuables se sentiraient bien mieux" s'ils n'avaient pas à régler seuls la facture.
Mais, côté républicain, les interrogations sur le plan Paulson ne manquent pas non plus. Le sénateur Richard Shelby, responsable de la commission bancaire, exprime aussi des inquiétudes : "700 milliards de dollars, c'est beaucoup d'argent pour moi, c'est beaucoup d'argent pour les contribuables." Jeb Hensarling, représentant du Texas (sud) et proche de George W. Bush, qui fait partie de la centaine de membres de la Chambre considérés comme très conservateurs, prévient lui aussi mercredi qu'il reste "sceptique sur le plan Paulson et (...) absolument pas convaincu que c'est la seule alternative". "J'ai des inquiétudes concernant le coût final pour les contribuables du Texas.
L'administration, qui a proposé ce plan, ne sera plus aux manettes à partir du 20 janvier 2009, ce qui ajoute à l'angoisse des parlementaires américains. "Je ne signe pas un chèque en blanc (...) à ce secrétaire (au Trésor) ni à aucun autre", a répété mardi le sénateur Dodd. "Dans 41 jours, nous allons avoir une élection, je ne sais pas qui va gagner (...) je ne veux pas signer un projet de loi de crédit de 700 milliards à un secrétaire (au Trésor) que je ne connais pas."